Richard Didier évoque un possible référendum sur l’Education

Richard Didier évoque un possible référendum sur l’Education

Si le haut-commissaire entend toujours déférer au contentieux les arrêtés de nomination des professeurs stagiaires Capésiens pris par Tauhiti Nena, il leur propose une solution  »en attendant », et va plus loin en indiquant que l’Etat se réserve le droit de consulter ensuite la population sur un transfert de compétences (et de moyens financiers). Un référendum sur l’Education, mais pas encore sur l’indépendance. Richard Didier préfère laisser Alain Juppé commenter les provocations d’Oscar Temaru à Auckland. Interview.

Accompagné du vice-recteur Jean-Claude Cirioni, le haut-commissaire Richard Didier avait convié la presse ce mercredi matin pour faire le point sur la situation des professeurs stagiaires. Un dossier qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et qui a particulièrement choqué le gouvernement local, le vice-président du Pays Antony Géros, allant même jusqu’à dire que si l’Etat allait effectivement au contentieux, il allait  »entrer en guerre » avec la Polynésie. Pas de  »guerre », pour Richard Didier, qui souhaite simplement  »clarifier » la situation de ces étudiants. Le vice-recteur doit d’ailleurs les recevoir en fin d’après-midi ce jour.

Interrogé ensuite sur la nécessité de proposer aux Polynésiens un référendum sur l’indépendance, à l’heure où Oscar Temaru change la plaque  »Polynésie française » pour la remplacer par  »Maohi Nui » au Forum en Nouvelle-Zélande, Richard Didier a estimé que ce n’était pas la préoccupation majeure de la population. Quant au prêt de l’AFD dont le gouvernement Temaru attend toujours le versement de la deuxième tranche, Richard Didier dément un  »blocage » de l’Etat pour des raisons politiques. Il attend tout bonnement que le Pays justifie la création de 320 postes dans son dernier collectif budgétaire alors que le plan de redressement prévoit 500 départs à la retraite volontaires.

Tahitipresse : Vous avez décidé de déférer au contentieux les arrêtés de nomination du ministre de l’Education Tauhiti Nena. Pour quelle raison ?

Richar Didier : La position de l’Etat n’a en effet pas changé sur le déféré au contentieux auprès du tribunal administratif sur l’arrêté de nomination de ces stagiaires par le ministre local, au moins pour trois bonnes raisons. D’une part, pour clarifier la situation de ces stagiaires, entre ceux qui ont déféré et ceux qui n’ont pas déféré, il y a effectivement un flou juridique qui ne permettait pas, en particulier, de les payer. Deuxième raison, c’est que pour l’avenir, la répartition des compétences entre le ministère de l’Education nationale et le ministère local soit claire sur l’affectation des stagiaires. Et troisième raison, qui est beaucoup plus nationale, lorsqu’on gère un corps de plus d’1,2 million professeurs, pour éviter tout risque de jurisprudence par rapport à cela.

Tahitipresse : Quelle est la situation actuelle des 16 professeurs stagiaires affectés localement ?

Richard Didier : Il leur est proposé deux choses : d’une part, un report de stage d’une année. Un report exceptionnel qui leur permet de garder le bénéfice de leur CAPES, et deuxièmement, de les embaucher sous crédit d’Etat comme contractuel, aux mêmes conditions qu’un stagiaire capésien, de manière à ce qu’ils puissent être rétribués et qu’ils restent devant les classes dans lesquelles ils ont été affectés cette année. Et dans l’intervalle, on attendra les décisions de justice pour voir l’année suivante ce qu’il en sera.

Tahitipresse : Vous avez évoqué un référendum qui permettrait de consulter les Polynésiens sur un transfert de compétences en matière d’éducation. Pourquoi ne pas élargir et proposer un référendum sur un transfert de compétences global à la Polynésie, voire sur l’indépendance ?

Richard Didier : Ce ne sont pas des choses tout à fait similaires. D’abord, sur les transferts de compétences, c’est organisé par différentes lois : la loi de 2004, celle de 2011, donc il y a déjà un certain nombre de transferts de compétences qui ont déjà eu lieu ou qui sont en cours. Il est proposé effectivement, et c’était l’un des articles de la loi organique de 2011, de commencer les discussions avec le gouvernement local sur le transfert de la compétence  »éducation » qui concerne l’enseignement secondaire et pas l’enseignement primaire. Donc nous allons rentrer en discussion avec le gouvernement : souhaite-t-il ou ne souhaite-t-il pas ce transfert ? Dans quelle mesure il le souhaite, donc quelle compétence exacte il souhaite être transférée ? Et ensuite, quelle évaluation des charges puisqu’à transfert de compétences, il y aura un transfert de charges qui sera effectué. C’est un travail long mais le gouvernement se réserve le droit, une fois qu’on sera tombé d’accord avec le gouvernement local sur ce transfert, de consulter la population en matière d’Education qui est la première dépense de l’Etat français sur la Polynésie.

Tahitipresse : Et le Pays aura les moyens de prendre en charge cette nouvelle compétence ?

Richard Didier : Justement, c’est le but du transfert financier, puisque ce n’est pas seulement un transfert de la compétence mais c’est un transfert des moyens qui permet d’exercer la compétence. Ces moyens sont évalués par une commission indépendante, la commission d’évaluation des charges, qui a déjà travaillé en Polynésie française sur certains domaines, je pense à l’Inspection du travail, donc elle va se mettre à travailler sur cette compétence. C’est une commission paritaire composée pour moitié de représentants de l’Etat et pour l’autre moitié de représentants du Pays, et qui est présidée par le président de la Chambre territoriale des comptes. Il reste à mettre en place les différentes modalités de cette concertation.

Tahitipresse : Est-ce qu’un référendum sur l’indépendance ne répondrait pas aux questions sociales et politiques qui se posent actuellement en Polynésie ?

Richard Didier : Je ne pense pas.

Tahitipresse : Pourquoi ?

Richard Didier : La question ne se pose pas en ces termes. Je ne pense pas que l’aspiration de la majeure partie de la population porte sur ce thème-là. Là, on parle d’une question  »éducation » et on cherche à régler cette question essentielle, à la fois en termes financiers mais aussi en termes d’avenir des enfants du Fenua. Donc c’est sur cette question-là, qui est déjà suffisante, que portera un éventuel référendum.

Tahitipresse : Mais nous avons un gouvernement qui n’a que cette question-là à la bouche, donc ça finit par déteindre sur la population. Ne croyez-vous pas qu’il est temps de s’intéresser à cette question ?

Richar Didier : Chaque chose suffit sa peine.

Tahitipresse : Oscar Temaru se présente comme le président de  »Maohi Nui » à Auckland. Ça ne pose pas un problème ?

Richard Didier : C’est lui qui a cette position. Il est invité en tant que chef de la délégation de la Polynésie française au sein du Forum, c’est un membre associé, et je rappelle que c’est la France qui a défendu cette position, donc après, il se présente comme il le souhaite.

Tahitipresse : Il peut donner le nom qu’il veut au Pays sans que l’Etat français ne réagisse ?

Richard Didier : C’est sa position. Donc il l’assume !

Tahitipresse : C’est un peu surprenant quand même l’absence de réaction de la France à ce que l’on peut considérer comme des provocations. C’est volontaire ?

Richard Didier : Non, monsieur Juppé, ministre d’Etat des Affaires étrangères qui représente la France, et non pas la Polynésie française, sera présent seulement aujourd’hui à Auckland. Et à ce moment-là, vous verrez sa réaction.

Tahitipresse : Ban Ki-moon a précisé qu’il s’intéressait fortement à la situation de la Polynésie. Qu’en pensez-vous ?

Richard Didier : Passablement rien. J’attends les déclarations de monsieur Juppé.

Tahitipresse : Et sur le prêt de l’AFD (Agence française de développement), où en est-on ?

Richard Didier : Alors sur le prêt de l’AFD, j’ai vu un certain nombre d’inexactitudes que je voulais un peu rectifier. La première inexactitude, ce sont les mêmes conditions qui ont été proposées au précédent gouvernement et au gouvernement actuel sur les conditionalités de la première et de la deuxième tranche. Donc il n’y a rien de nouveau. Aucune nouvelle condition n’a été posée. Sur la deuxième tranche, la conditionalité se situait autour de la présentation d’un plan de redressement. Ce plan de redressement a été présenté, sur une partie chiffrée globale, et il manquait la partie  »emploi ». Vous savez bien que le but de ce plan de redressement, c’est que la Polynésie française retrouve des marges de manoeuvre en investissement, donc fasse des économies de fonctionnement pour les reporter sur l’investissement. Pour cela, il faut, sur le moyen et le long terme, avoir moins de masse salariale. Ce qui nécessite qu’on nous présente un plan de départs volontaires puisque le gouvernement a annoncé qu’il n’y aurait pas de licenciements. On nous a effectivement présenté un plan de départs volontaires qui portait sur environ 500 personnes, et dans le même temps, dans un autre document du collectif budgétaire on nous présente la création de 300 emplois. Donc hier encore, nous avons eu une réunion avec le gouvernement pour qu’il clarifie sa position, parce qu’on demande à l’Etat d’aider le territoire à payer ces 500 départs volontaires, et dans le même temps, on embauche 300 personnes ! Et il n’y a pas que l’AFD dans la vie ! Je signale d’ailleurs qu’il y a d’autres sources de financement possibles et que le gouvernement a obtenu un prêt de la banque Dexia.

Tahitipresse : La CPS pourrait prêter 5 milliards Fcfp ?

Richard Didier : Ça, c’est un problème interne.

Tahitipresse : La rumeur dit que l’Etat  »bloquait » aussi pour des raisons politiques, un peu agacé par les provocations d’Oscar Temaru…

Richard Didier : On a encore travaillé hier soir sur le sujet. Il n’y a pas d’agacement possible. Simplement pour répondre à des questions simples.

Tahhitipresse : Le ministre Pierre Frébault disait que son plan de redressement permettrait d’avoir 5 milliards Fcfp d’économies. Est-ce suffisant pour vous ?

Richard Didier : La position de l’AFD est assez claire. On ne demande pas de tout régler en un ou deux ans. On demande de s’inscrire dans une démarche. Vous remarquerez d’ailleurs que dans le plan de redressement qu’a présenté la France à l’Assemblée nationale, la première mesure concerne l’emploi. On parle de 16 000 suppressions d’emploi dans l’Education nationale. Je rappelle qu’ici (éducation locale), on n’a pas supprimé un seul emploi cette année. Donc effectivement, ce sont des choix et on attend des clarifications sur cette question de l’emploi, non pas pour pinailler mais pour avoir une amorce de plan de redressement qui tienne la route et qui permette de rassurer les prêteurs.

Tahitipresse : Pour vous, il n’y a pas de  »guerre » avec le gouvernement local ?

Richard Didier : Comme je l’ai dit tout à l’heure, pour moi, la guerre, elle est contre le chômage, la pauvreté, la récession économique et pas autre chose.

ATP

À propos de l'auteur :

Hina
Hina Teariki

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

Hina Teariki est une journaliste polynésienne de 38 ans, née et élevée à Papeete. Diplômée en journalisme de l'Université de la Polynésie française, elle a commencé sa carrière en 2008 comme pigiste pour divers journaux locaux avant de rejoindre Tahiti Presse en 2010. Passionnée par la culture et l'environnement polynésiens, Hina s'est spécialisée dans les reportages sur le développement durable, le changement climatique et la préservation des traditions locales. Elle est connue pour son style d'écriture engagé et ses enquêtes approfondies sur les enjeux sociaux et écologiques du fenua.

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