Parce qu’elles sont saines et productives, les reines polynésiennes peuvent répondre à la demande internationale forte, aux dires du syndicat des apiculteurs de Polynésie française. Auprès de Gilles Fert, consultant international, une dizaine d’apiculteurs polynésiens ont effectué un stage de quinze jours avec cours d’insémination artificielle de reines. Leur objectif : exporter.
« Aujourd’hui, confronté à la pression d’un environnement souvent défavorable aux abeilles, en raison de l’emploi massif d’insecticides et de pratiques agricoles productivistes trop souvent préjudiciables, et à la pression du « varroa » (ndlr- maladie qui frappe les abeilles un peu partout sur les cinq continents), l’apiculteur doit très régulièrement, changer les reines de ses colonies d’abeilles, s’il veut conserver un cheptel en véritable capacité de production« , explique Gilles Fert, spécialiste en la matière et consultant international à Tahiti depuis quinze jours.
La reine anesthésiée
En présence d’une dizaine d’apiculteurs polynésiens, vendredi matin à Mahina, ce professionnel, venu des Pyrénées-Atlantiques, a animé un cours d’insémination artificielle de reines.
La reine est anesthésiée. Un mâle bourdon est sacrifié. Tout le système nerveux du bourdon étant dans la tête, celle-ci est écrasée. Il en résulte une érection. En appuyant sur l’abdomen, apparaît ensuite tout l’appareil reproducteur du bourdon. A l’aide de pipettes stérilisées, la substance du mâle est absorbée. L’opération est répétée sur une quinzaine de bourdons. Les 8 micros litres ainsi prélevés sont ensuite inséminés dans une reine vierge. Gilles Fert explique les différentes opérations à ses élèves. Ce passionné d’élevage et de sélection de reines, reconnu aujourd’hui au plan mondial, partage ses techniques avec les apiculteurs polynésiens.
Pas indispensable, mais...
« L’insémination artificielle n’est pas une opération indispensable en apiculture« , commente le spécialiste, « on a recours à elle, lorsque l’on veut contrôler à 100 % la fécondation« .
Dans la nature, les reines sont fécondées en altitude, en plein vol. Elles rencontrent des mâles, des bourdons qui peuvent venir de plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde.
« On peut utiliser l’insémination artificielle aussi et surtout pour créer des mâles exempts de maladies« , poursuit Gilles Fert qui a enquêté auprès des apiculteurs polynésiens et qui aujourd’hui est arrivé à la conclusion suivante : « il y a ici un potentiel énorme. Vous avez des reines et des abeilles saines, exemptes de toutes maladies« .
Pour lui, cette situation privilégiée et quasiment unique se doit d’être protégée. Comment ? En contrôlant l’importation de reines étrangères.
« Celles de Nouvelle-Zélande, d’Hawaii ou d’Australie ont des parasites que vous n’avez pas en Polynésie. Il faut absolument que vous protégiez votre situation extraordinaire« , dit-il avec conviction.
Gilles Fert déclare même que « c’est criminel aujourd’hui d’introduire des reines de l’extérieur vu les conséquences économiques que cela peut entraîner« .
L’introduction de maladies des abeilles « mettrait à genoux l’apiculture polynésienne« .
Un arrêté pour les reines
Président du syndicat des apiculteurs de Polynésie française, Raiarii Crawford rappelle que, depuis 2001, une réglementation interdit l’importation de reines et abeilles en Polynésie française. Il regrette néanmoins que l’amende infligée aux contrevenants soit si peu dissuasive. « Prochainement, le syndicat va présenter un arrêté pour imposer des mesures réellement dissuasives et pour ainsi protéger nos cheptels », annonce le président du syndicat qui a pris conscience que les apiculteurs de Polynésie « ont de l’or entre les mains« .
On estime qu’une centaine d’apiculteurs répartis dans les cinq archipels exploitent ce filon qu’est la commercialisation du miel.
Le miel à la hausse
« En apiculture en Polynésie française tout est à faire« , s’exclame Raiarii Crawford qui indique que la profession n’est malheureusement pas structurée. Et il le regrette puisque les apiculteurs polynésiens pourraient aisément répondre à l’énorme demande internationale, que ce soit pour le miel ou les reines d’abeilles saines.
« Il faut savoir que le prix du miel a augmenté de 40 % aux États-Unis. Le prix d’une reine a été multiplié par trois en dix ans. Il y a un réel potentiel !« , indique le président du syndicat qui veut « réveiller les consciences politiques en leur faisant valoir les enjeux que cette filière représente sur le plan économique« .
On estime à 90 tonnes/an, le miel produit en Polynésie. Ce qui n’est pas suffisant pour satisfaire la consommation locale, et qu’en conséquence, 40 tonnes de miel sont importées chaque année, estime-t-on encore.
L’exportation, on y pense sérieusement
« Aujourd’hui, on va s’intéresser au marché de l’export de reines à l’internationale. N’ayant pas de parasite destructeur tel que « le Varroa » et autres maladies incurables, les apiculteurs, s’ils se structurent, peuvent produire et exporter des reines de qualité. Le monde nous est ouvert« , exalte Raiarii Crawford qui déplore que l’apiculture ne soit pas professionnalisée en Polynésie française, sans doute par manque de formation, d’information et d’organisation.
Une dizaine de jeunes apiculteurs motivés et dynamiques, présents vendredi matin auprès de Gilles Fert, sont quant à eux déterminés à prendre en main l’avenir de l’apiculture polynésienne.