L’examen du projet de loi d’indemnisation des victimes des essais nucléaires conduits par la France de 1960 à 1996 a débuté à l’Assemblée nationale. Si des amendements déposés en Commission par Bruno Sandras ont été retenus, en revanche celui sur le remboursement par l’Etat des sommes payées par la CPS au cours des quatre dernières décennies, a été rejeté, indique un communiqué de la Délégation de la Polynésie française à Paris.
Pour autant, le député polynésien n’a pas abdiqué car dans son esprit ce remboursement ne serait que justice. « Mes amendements ont été rejetés. Il fallait s’y attendre. L’article 40 de la Constitution est un article impitoyable, car à chaque fois qu’un amendement propose une dépense, ne serait-ce que d’un centime supplémentaire, l’amendement est retoqué. Néanmoins je vais revenir à la charge publiquement », a déclaré Bruno Sandras au sortir de l’hémicycle. Tenace, le député polynésien compte trouver « l’ouverture » comme il l’avait déjà fait lors du débat sur la LODEOM (Loi pour le développement de l’Outre-mer). Son souhait : que l’Etat, après avoir reconnu que les essais ont pu avoir pour conséquence des maladies radio-induites et reconnu que les victimes puissent être indemnisées, « rembourse ce que la Caisse de Prévoyance Sociale (CPS) a payé, à la place de l’Etat, depuis quarante ans pour toutes les personnes qui ont été victimes des radiations ».
A minima, Bruno Sandras attend d’Hervé Morin qu’il propose la mise en place d’une convention entre l’Etat et la CPS. Les chiffres varient beaucoup mais ces sommes versées par la CPS pourraient avoisiner les 20 milliards de Fcfp (environ 167 millions d’euros). Et Bruno Sandras de souligner : « 20 milliards, ce n’est pas rien pour la Caisse pour subvenir aux retraites, à l’assurance maladie, aux maladies professionnelles. C’est donc un point sur lequel j’insiste énormément ».
« Je pense à nos enfants »
Le député-maire de Papara a obtenu gain de cause au sujet des demandeurs qui se verraient refuser leur demande d’indemnisation. Ils auront la possibilité d’un recours devant le Tribunal administratif de Papeete, alors qu’à l’origine tout devait être concentré au niveau du Tribunal administratif de Paris.
Par ailleurs, si le député juge qu’il y a reconnaissance des victimes, il rappelle que « la page du nucléaire, ce n’est pas que cela et on ne peut pas la tourner d’un seul revers de main ». Même son de cloche de la part de son collègue, le député-maire de Papeete, Michel Buillard qui estime que « ce projet de loi ne doit pas servir à tourner la page du nucléaire », mais au contraire « ouvrir la voie à un débat plus large qui portera non seulement sur les réparations sanitaires mais également sur les réparations socio-économiques et environnementales ».
En cela, les députés polynésiens ne sont pas d’accord avec le ministre de la Défense , Hervé Morin qui nie d’éventuelles conséquences environnementales. Pour Bruno Sandras, « il y a des tonnes et des tonnes de déchets radioactifs dans le sous-sol de Moruroa et Fangataufa. Si aujourd’hui nous ne parlons que des conséquences des essais atmosphériques et des conséquences sur ceux qui y ont été exposés, je pose la question : qu’y-a-t-il dans notre sous-sol ? Je pense à mon pays, à nos enfants, puisse Dieu qu’ils ne connaissent jamais de fuites radioactives auquel cas, la loi sur laquelle nous débattons aujourd’hui n’aurait aucun effet et serait complètement impuissante ».
Le député polynésien s’est donc montré favorable à un débat sur les conséquences environnementales et a dit espérer que « ceux qui participent aux États généraux en Polynésie fassent des propositions intéressantes et qu’une délégation vienne par la suite à Paris pour négocier ».
La France se désengage
Dans son esprit, si la France est ce qu’elle est aujourd’hui c’est pour une grande partie « grâce, ou en raison des essais nucléaires. Elle ne doit donc pas abandonner la Polynésie. Cela demande de la part de la classe politique locale, plus de bon sens, beaucoup plus de sens de l’intérêt public. Ce n’est pas l’image que l’on donne aujourd’hui », a-t-il regretté. De même, Bruno Sandras considère que la France ne doit pas prétexter de désordres de la vie politique locale pour se désengager.
Un désengagement qu’il juge manifeste : « La réalité elle est là. Le CEP va partir. L’armée va partir. La base de Arue va fermer tout comme celle de Taravao. Au mieux, le personnel militaire ne représentera plus que deux à trois cent cinquante personnes contre cinq à six mille il fut un temps. Cela représentait une manne financière dans l’économie du pays. Moi j’appelle cela du désengagement. Petit à petit. Cela ne porte pas son nom mais ça m’en a tout l’air ».
Lors de cette séance à l’Assemblée nationale, Hervé Morin a indiqué que ce projet de loi était dicté par trois principes : la transparence, la justice et la rigueur. Il a par ailleurs précisé que la rédaction de l’avant-projet de décret d’application avait été effectuée en tenant compte de la plupart des recommandations formulées par l’assemblée de la Polynésie française. Enfin, il a déclaré : « la France doit être grande dans sa reconnaissance et sa réparation ».